En 1992, je n’avais que 18 ans et je ne m’intéressais pas à la politique. La guerre annoncée à la télévision, je me souviens, j’étais plutôt contente. La seule information qui avait retenu mon attention, c’était que les cours étaient suspendus. Il faisait beau, ce printemps là. Plutôt que de préparer mon bac, j’avais envie de siroter des capuccinos sur les terrasses des cafés.
Comme la plupart des jeunes de Sarajevo, je ne prenais pas au sérieux les menaces des politiciens. Les tensions, je ne les sentais pas. La guerre, c’est un mot sorti des manuels de l’Histoire, rien de plus. Le terme ethnique ne faisait pas encore partie de mon vocabulaire.
Quelques jours après, je serai brutalement arrachée à mon monde merveilleux. Je vais découvrir le siège, la mort, les snipers, les bombardements, la trahison, le désespoir, l’hypocrisie. Le monde deviendra médiéval, tel que je l’imaginais. La faim, le froid, le noir, les privations. Plus d’eau courante, plus d’électricité, plus de téléphone. L’inimaginable.
Vingt-cinq années se sont écoulées depuis. Le siège, c’est loin derrière moi. Et pourtant, jamais le sentiment de l’amertume n’a été aussi fort. C’est un ras le bol.
Ras le bol des politiques incultes qui nous gouvernent ; de la corruption omniprésente qui n’émeut plus personne ; du népotisme et des pots de vins ; des privatisations sauvages qui réduisent l’homme à l’esclavage ; de la justice, politisée et profondément injuste ; de la ségrégation dans les écoles, digne de l’apartheid ; du mépris envers les victimes et des médias qui jouent le jeu des extrémistes.
Ras le bol que les meilleurs d’entre nous soient bannis au bas de l’échelle de la société, qu’on se taise pendant qu’on vole et détruit ce qui reste encore de la Bosnie, que l’intérêt personnel soit devenu la priorité numéro un de nos politiques publiques, qu’on s’endette pour payer un appareil d’Etat immense et inefficace et qu’on soit poussé à l’exile pour chercher un avenir.
Ras le bol des Serbes, des Croates et des Bosniaques, ces peuples qui refusent d’admettre qu’ils ne sont pas trois mais un seul. Ras le bol de cette aberration de transformer une seule et même langue en trois langues officielles de Bosnie. Ras le bol de lire trois histoires différentes des mêmes événements.
Ras le bol qu’on transforme le mensonge en vérité, que des criminels de guerre soient présentés comme des héros et que des vrais héros soient traités comme un détail de l’histoire.
Ras le bol de cette constitution imposée qui ignore le citoyen, la seule catégorie qui dans les pires moments de l’histoire de la Bosnie croyait aux valeurs républicaines et a pris la défense de la diversité. Ras le bol d’éprouver la honte que nos concitoyens juifs ou roms n’ont pas les mêmes droits.
Ras le bol de voir nos fonctionnaires d’Etat travailler contre l’Etat qui les paye. Ras le bol que les Dodik, les Izetbegovic et les Covic, des types sans scrupules, sans principes, sans morale palabrent au quotidien du patriotisme et que les dirigeants du parti de Radovan Karadzic crient au scandale d’Etat quand la Bosnie demande la révision du verdict à la Cour Internationale de Justice. […] Lire l’article en entier
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