Les réfugiés climatiques de la ville de Saint-Louis se sentent oubliés des autorités et comptent protester lors de la visite d’Emmanuel Macron.
Crédits : MATTÉO MAILLARD / « Le Monde »
C’est une histoire vieille comme la mer. Un combat de titans au ralenti. L’inexorable montée des eaux favorisée par le réchauffement climatique vient vague après vague, sac avant ressac, grappiller des mètres de terre. L’urgence et le danger d’un tel phénomène se mesurent mieux à hauteur d’homme. Près de la ville de Saint-Louis au Sénégal, en discutant avec un pêcheur comme Modou Sène. Il se tient droit au milieu de sa chambre à coucher. Enfin, ce qu’il en reste. Autour de lui, les pans des murs se sont effondrés. Ne subsiste qu’un sol carrelé qui dégringole sur la plage en dessous. Modou se rappelle l’époque où devant sa maison, il y en avait deux autres, puis un terrain de football où jouaient les jeunes du quartier, et là-bas, à 100 mètres, accostaient les pirogues colorées des pêcheurs.
Désormais les vagues lèchent les flancs de sa maison et ses collègues tirent leurs barques devant sa chambre. Il est loin d’être le seul dans le quartier de Guet Ndar à voir la menace monterjour après jour. Les pertes sont estimées de 5 à 6 mètres de plage chaque année selon une étude d’Egis et de la Banque mondiale datant de 2013. A 50 mètres de là, l’école Cheikh Touré a perdu une salle de classe, effondrée une nuit de forte houle. Les exemples sont nombreux le long de la langue de Barbarie. Ce banc de sable de 25 kilomètres et de 300 mètres de large situé dans l’estuaire du fleuve Sénégal débordant la frontière mauritanienne forme une barrière naturelle entre la ville de Saint-Louis et l’océan Atlantique. Face à la houle marine et aux crues du fleuve, les habitants ont dû fuir ou s’entasser, faisant de Guet Ndar le troisième quartier le plus densément peuplé du monde avec 30 000 habitants par kilomètres carrés. Huit cents familles, soit environ 10 000 personnes, sont menacées.
Réfugiés climatiques
Abdou Gueye est de ceux qui ont dû partir, par une nuit de tempête en août. « Une grosse vague est entrée dans notre maison et a emporté nos affaires, se souvient-il. Nous nous sommes réveillés les pieds dans l’eau. Nous avons eu de la chance ; des voisins ont été blessés, un enfant a pris un pan de mur sur l’épaule. » Quand les autorités se sont rendu compte que l’électricité des maisons risquait d’entrer en contact avec l’eau, elles ont décidé d’évacuer 145 familles de Guet Ndar et Gokhou Mbathie.
Abdou Guey, à gauche, et Léna Diop, à droite, réfugiés climatiques dans le camp de Kaar Yallah, à Saint-Louis, au Sénégal, le 31 janvier 2018. CRÉDITS : MATTÉO MAILLARD / LE MONDE
D’abord installées deux mois dans la cour d’une école, elles ont ensuite été déplacées dans des tentes bleues sur un terrain vague aux abords de l’aéroport de la ville, à 9 kilomètres de l’océan, le camp de Khaar Yallah. « Ici, c’est mauvais, s’exaspère Léna Diop, 26 ans. Nous n’avons pas de toilettes, pas de couvertures, peu d’eau, peu de nourriture. Il fait trop chaud la journée, trop froid la nuit, et nos enfants font de l’asthme. La terre est salée, nous ne pouvons pas cultiver. Les hommes ont du mal à se rendre à la pêche, nous sommes trop loin de la mer… quatre mois que cela dure. »
Sans école, les enfants jouent et se chamaillent dans les travées entre les tentes. A l’intérieur, deux familles vivent, soit plus de dix personnes pour quelques mètres carrés. « Nous n’avons que le strict minimum pour l’existence, lance Abdou Gueye. Le préfet nous a oubliés, alors nous avons décidé d’agir. Quand le président Macky Sall viendra samedi avec Macron, nous irons protester dans l’eau, là où étaient nos maisons, quitte à s’y noyer. »
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